La mélancolie des sirènes par trente mètres de fond – Serge Brussolo

Résumé : Femme scaphandrier, Lize Unke appartient à la brigade de police fluviale chargée d’enquêter sur la catastrophe du métro englouti. Qu’est-il réellement arrivé, ce jour-là, quand le plafond du tunnel a crevé, laissant le fleuve s’engouffrer dans le réseau souterrain pour noyer des kilomètres de galeries, de rames… et des milliers d’usagers ? Bien des années ont passé depuis le drame, mais l’énigme reste entière. On parle de survivants, prisonniers de poches d’air. Des survivants qui connaîtraient la vérité… mais que personne ne semble pressé de ramener à la surface. La solution du mystère est là, quelque part dans le labyrinthe des tunnels inondés. Lize, qui a perdu sa jeune sœur dans la catastrophe, s’est donné pour mission de faire la lumière sur cette étrange histoire. Décision imprudente s’il en est, car quoi de plus vulnérable qu’un scaphandrier perdu sous les eaux !

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Note personnelle : ★ ★ ★ ★ ★

Avis :
« D’abord il y a la fissure qui s’ouvre dans le plafond de la station. Cric-crac-criiic-criiic… »
La première phrase d’un roman qui va vous faire suffoquer d’angoisse.

Hydrophobes, abstenez-vous ! Brussolo n’a pas fini de nous faire frissonner. Je venais de refermer « La princesse noire », d’abandonner derrière moi les enfants infirmes, la crasse, la maladie et les mensonges, pour plonger dans l’horreur d’une station de métro inondée. Le lendemain, je dois avouer que j’ai regardé le plafond, en empruntant les couloirs de la ligne 9. J’ai même jeté un second coup d’œil en attendant que la rame qui circule entre Pont de Sèvre et Mairie de Montreuil arrive.

Contrairement à ma récente lecture de Brussolo qui m’a étrangement surprise de par sa fin optimiste, nous sommes cette fois en présence d’un grand classique de l’auteur ! Une atmosphère étouffante, une sensation de danger imminent qui ne vous lâche plus. Une héroïne forte et fragile à la fois. Une femme bouleversée, perdue, qui n’hésite pas à enfiler son scaphandrier pour plonger parmi les cadavres immergés à la recherche de celui de sa petite sœur, espérant peut-être au passage noyer sa peine dans l’eau trouble.

J’ai remarqué avec autant d’étonnement que de plaisir, qu’aucun homme n’a pris le pouvoir sur l’héroïne, ce qui est je trouve, très rare dans les œuvres de l’auteur. Cela dit, dans le roman « La princesse noire », il n’y avait pas non plus cette notion de soumission que je reproche souvent à mon auteur favori, juste un chantage d’un adolescent, mais au fond, Inga avait accepté cette situation.

Scaphandrier
Casque de scaphandrier en cuivre et laiton à 3 boulons.

Dans un premier temps, nous découvrons Lize, hantée par le souvenir de la catastrophe, cauchemardant sans relâche de la mort de sa sœur Nacha. Refusant catégoriquement d’accepter le diagnostic de la psychologue lui répète pour la énième fois que tout vient de sa peur de devenir mère. Pourtant, sans cesse, elle parle de la voûte qui crève « comme un ventre », de son métier de « fœtus d’acier », avec ce fameux « cordon ombilical » sans lequel elle succomberait à une asphyxie. Je dois vous avouer que j’ai trouvé cette psychologue antipathique. Pourtant, en tournant les pages, j’ai constaté que Lize comparait souvent son métier à la grossesse, pire encore, elle s’était obligée enfant à être une mère pour Nacha.

Toute cette partie s’atténue rapidement, laissant place à l’angoisse de la plongée. Le travail de Lize consiste à piller les tombeaux sous-marins, rien d’illégal, promis ! Ce système permet de récupérer les papiers d’identité des cadavres pour les recenser et ainsi permettre aux familles de faire leur deuil. L’héroïne s’obstine, malgré les problèmes de santé que cet emploi engendre, à s’immerger plusieurs heures dans l’eau. Seule, à la merci des scaphandriers clandestins, qui pourraient d’un seul coup de couteau dans le tuyau d’approvisionnement en air, la tuer. Cette persévérance vient du fait, comme dit plus haut, qu’elle veut à tout prix retrouver sa sœur. Morte ou vive. Car il a été prouvé qu’il existe des poches d’air où se sont réfugiés des survivants ! La seconde partie de son emploi consiste à déposer des vivres dans ces grottes pour permettre aux rescapés de s’alimenter, se laver, s’habiller, survivre en somme. Ces derniers refusent tout contact avec leurs potentiels sauveteurs.

Un jour, ne tenant plus, la jeune femme décide de chercher Gudrun, l’amie de Nacha, qui lui ressemble physiquement et qui de par sa carrière de comédienne est capable de l’imiter à la perfection. Elle espère obtenir des informations sur sa sœur qui ne souhaitant plus être autant couvée par son aînée, avait disparu trois ans avant l’accident du métro. Elle y descendait pour mendier en jouant de la guitare. Lize tentait de renouer un lien avec elle, mais Nacha continuait de lui tourner le dos, préférant la dangereuse compagnie de Gudrun. Ayant enfin trouvé la localisation de cette dernière, Lize va accepter sa proposition : des informations sur les trois années de la vie de sa sœur où elle n’a pas pu être présente, contre une nuit dans l’appartement de l’héroïne. Grâce à cet échange, Gudrun va réussir à semer le doute dans la tête de Lize. L’accident était-il réellement dû à un tremblement de terre ? Est-ce réellement parce que les sortir de là serait trop couteux que les autorités ont décidé de laisser les survivants sous terre ? Les scaphandriers clandestins ont-ils pour mission de rapatrier les corps pour les familles ? L’enquête commence.

Son dénouement est abominable. Nous comprenons au fil des pages, que ce qui a créer l’inondation est l’explosion d’un laboratoire militaire clandestin. Un lieu où les chercheurs s’évertuaient à trouver un moyen de faire « des guerres propres », sans cadavres pourrissants, sans destructions de bâtiments. Sortir les morts ou les vivants, dévoilerait la supercherie. Quant à nos clandestins, il est bien vrai qu’il repéchait les dépouilles au début, néanmoins l’activité bâtant de l’aile, ils se sont mis à répondre à des requêtes plus malsaines. Le gaz mis au point par le laboratoire a des propriétés très étranges, celle de momifier instantanément. Laisser les peaux des cadavres intactes et d’une belle couleur miel. Les riches ont commencé à s’intéresser à ce surprenant cuir. Les clandestins violaient les tombes immergées pour ce commerce morbide.

Après un court moment dans la poche de gaz principale, Lize perd toute notion de temps. Elle perd également ses capacités à réfléchir. Tantôt amorphe à cause de l’excès de CO2, tantôt galvanisée par celui d’oxygène, elle ne peut que vivre au rythme de la tribu dans laquelle elle a échoué. Un instant de lucidité lui permet de retrouver la trace de sa soeur, et la demoiselle elle-même après avoir traversé le couloir de la peur. Une bonbonne de gaz provocant des crises de panique déversait la substance dans ce lieu. La jeune femme qu’elle pense être Nacha ne daigne pas lui adresser la parole, défigurée selon les rumeurs, elle ne se sépare jamais de son masque, aussi Lize repartira sans la moindre certitude.

Le lecteur n’en sait pas plus que Lize. Une fin typique des romans de Serge Brussolo. Nous retrouvons notre héroïne, amorphe, incapable de savoir si la jeune femme du métro était bien Lize, ou si elle se tient devant elle en prenant le rôle de Gudrun. Pire encore, Brussolo répète mots pour mots des passages du roman faisant référence à la vie que mène les rescapés. Nous comprenons grâce à ses répétitions que le cerveau de Lize a subit des dégâts irrémédiables, tout comme les « survivants » elle perd la mémoire, elle alterne les phases d’apathie et d’euphorie. Une partie de cette femme restera emprisonnée à jamais dans la grotte des survivants…

Brusquement elle se sentit emplie d’une bouffée d’euphorie. Une mousse de bulles multicolores envahit son cerveau, et pour traduire sa joie elle ne sut que crier :
« Marathon ! Marathon ! »
Quand elle reprit son calme, Gudrun pleurait.

Les dernières phrases d’un roman qui va vous faire suffoquer d’angoisse.

Anecdote :Badge PAC 2020 Lu pour le Pumpkin Autumn Challenge 2020, menu automne frissonnant, catégorie « Esprit es-tu là ? » (Fantôme, fantôme du passé, famille, historique, classique). Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un fantôme du passé… Petit bonus : j’ai trouvé ce livre dans ces fameux grands bacs de livres d’occasion de la librairie Boulinier, à Paris bonne nouvelle ! 🎃📚

Bonne lecture, Signé C.

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7 commentaires sur « La mélancolie des sirènes par trente mètres de fond – Serge Brussolo »

    1. Encore un que je n’ai pas lu ! Je croyais avoir lu l’ensemble de ses œuvres et je découvre sans arrêt que j’en ai loupé. 😂 Merci beaucoup pour ton commentaire et pour ce nouveau livre dans ma wish-list ! 😉

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