Possession – Paul Tremblay

Résumé : Après Rosemary’s Baby et L’Exorciste, le nouveau classique de l’horreur. Malgré une mère alcoolique et un père au chômage, la famille Barrett tente de mener une vie ordinaire dans la tranquille banlieue de Beverly, Massachusetts, jusqu’au jour où leur fille de 14 ans, Marjorie, commence à manifester les symptômes d’une étrange schizophrénie. Alors que des événements de plus en plus angoissants se produisent, les Barrett décident de faire appel à un prêtre, qui ne voit qu’une seule solution : l’exorcisme. À court d’argent, la famille accepte l’offre généreuse d’une chaîne de télévision ; en contrepartie, elle suivra la guérison de Marjorie en direct. L’émission connaît un succès sans précédent. Pourtant, elle est interrompue du jour au lendemain sans explications. Que s’est-il passé dans la maison des Barrett ?

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Note personnelle : ★ ★ ★ ★

Avis : Le choix du narrateur était surprenant : Meredith Barrett enfant de 8 ans (au moment des faits), petite sœur de Marjorie Barrett qui est la personne possédée. L’histoire est donc centrée sur Miss Merry (Meredith) et sa perception des choses. On la croise également lorsqu’elle est adulte, après les faits, quand elle rencontre Rachel Neville, une auteure qui se propose d’écrire sa version de l’histoire. Continuons à parler de Meredith : ce choix de narrateur a réduit mon sentiment de peur et a compensé cette perte par de l’angoisse et peut-être ce que je pourrais interpréter comme de l’instinct maternel. Ce choix de narrateur donne toute son originalité à ce roman classé dans la catégorie « thriller/horreur ».

Le roman est intelligemment découpé en trois parties, une avant l’émission à laquelle ont participé les Barrett, une pendant cette émission, et une troisième après (élémentaire, mon cher Watson 😉). Il y a également des parties qui sont au signal l’ensemble d’un article de blog qui se penche sur cette émission en particulier (l’émission se nomme « Possession », comme le roman). J’ai trouvé l’article de blog très dur dans sa critique, ça manquait cruellement de bienveillance, cela dit c’étaient des propos très perspicaces, qui tentaient de prouver que l’émission était montée de toute pièce et que la personne qui se disait possédée ne l’était pas.

Je tiens à parler d’un passage où Marjorie fredonne une mélodie, qui interpelle Merry, s’en suit une discussion entre les deux soeurs, où l’on découvre une habitude qu’elles ont : faire deviner des mots en écrivant les lettres dans le dos de l’autre. Pendant cette discussion, les amateurs d’horreur reconnaîtrons à travers le titre d’une musique « Gloomy Sunday ». Pour ceux qui ne connaissent pas cette musique, on l’appelle aussi « Suicide song ». Cette musique a été composée par Rezső Seress en 1933 et les paroles ont été écrites par László Jávor (merci Google). Plusieurs légendes existent autour de cette fameuse musique, la première raconte que la chanson a été inspirée par la rupture de Seress avec son amante, l’autre que c’était l’amoureuse suicidaire de Jávor qui l’a inspiré, la dernière que cette chanson est un hommage aux défunts de Seress. Quoi qu’il en soit, Seress s’est suicidé en 1968 (un peu loin pour que ce soit lié, n’est-ce pas ?) et de nombreux (faux ?) témoignages rapportent que ceux qui écoutaient cette musique en arrivaient irrémédiablement au suicide. Oserez-vous l’écouter ? 😱👇

Anecdote : J’ai encore eu la chance sur Twitter de gagner un concours ! Merci encore aux éditions Sonatine. Leur Twitter  : clic ! 🧡

Bonne lecture ! Signé C.

Le doute en blanc

Les mains expertes des femmes effectuèrent les derniers ajustements. Elles quittèrent la chambre dans un bruit de talons aiguilles et de rires mélodieux. Le soleil, entrait par la fenêtre, projetant des rayons lumineux où dansaient de petites particules de poussières, semblant vouloir illuminer ce moment, le rendre magique. La dernière à quitter la pièce fût celle qui l’avait mise au monde. La femme s’arrêta, une main posée sur le chambranle de la porte. Dans son regard on pouvait lire la fierté, l’émotion, la joie mélangée à une peine nostalgique. Une larme roula sur la joue maternelle tant de fois embrassée. Julia sourit une dernière fois à sa mère, qui avant de refermer la porte lui laissa voir un mouchoir épongeant ses yeux humides d’émotion.

La jeune femme restée seule dans la chambre, soupira d’aise. Les préparatifs étaient terminés à présent. Elle se leva et s’approcha de la fenêtre. Bon nombre de personnes étaient devant l’hôtel, grillant des cigarettes au soleil, discutant de la cérémonie qui approchait, se serrant la main. Des enfants jouaient. Certains sur des bicyclettes, d’autres avec un ballon. Deux petites filles s’entraînaient à danser, leurs robes virevoltant dans l’air printanier. Un bouleau s’épanouissait à côté de la fenêtre, sur ses branches deux moineaux semblaient être au cœur d’une intense discussion. Un papillon voyageait seul dans le ciel, profitant de sa liberté. L’horloge de l’église, visible depuis la chambre, accordait à ses aiguilles le droit de tourner, volant doucement la beauté des femmes et la robustesse des hommes. Julia parcouru la pièce des yeux. Elle se dirigea vers le lit, ses talons émettant un bruit sourd sur le parquet ciré. Des bouquets de lilas blancs avaient été placés à son attention. Sur la table de chevet en trônait fièrement un. La jeune femme inspira une bouffée d’air parfumé. L’odeur la fit sourire. Ramenant à son souvenir les premiers jours de printemps dans le jardin familial. Julia resta un moment assise sur le lit, regardant de ses yeux le bouquet et de son esprit ses souvenirs. La balançoire qui grinçait quand elle s’asseyait dessus, les oiseaux qui chantaient dans les arbres, les tartes aux fraises que sa mère préparait pour le goûter, les flaques d’eau boueuse dans le jardin où elle sautait. Elle effleura du doigt une cicatrice sur son bras. Sa blessure de guerre, son souvenir, rien de bien glorieux en somme, elle était tombée de sa bicyclette sur un tesson de bouteille. Elle était revenue maculée de sang à la maison, déclenchant un mouvement de panique. Son esprit s’égara ensuite dans les journées pluvieuses, ces jours qu’elle avait passés un livre dans les mains. Les journées d’hiver également, à jouer dans la neige. Les écharpes qui la tenaient au chaud, les pulls en laine qui la démangeaient, les illuminations de Noël, les chants des enfants, le chocolat, beaucoup de chocolat.

Elle pivota et se trouva face à elle-même. La longue robe blanche de tulle et de dentelle soulignait son élégance. Elle tourna sur elle-même, scruta les détails de son habit. Elle rabattit le voile sur son visage et pris son bouquet. Son reflet ne dessinait plus une femme éblouissante, mais le fantôme de la jeune fille qu’elle avait été, songea-t-elle. Devant le miroir, plus rien ne semblait logique, plus rien ne semblait sûr. Pire encore, plus rien ne semblait joyeux. Elle ôta le voile qui rendait la scène si mélancolique. Les rayons du soleil qui semblaient quelques secondes auparavant vouloir répandre joyeusement sa lumière devinrent insupportables. Ils chauffaient la chambre comme un four, rendant l’odeur du lilas aussi écœurante qu’une flaque d’urine dans une ruelle parisienne. Elle n’avait pas senti arriver, mais il était là désormais, cet ennemi familier des mariages, le doute. Son cœur se serra dans sa poitrine et elle s’interrogea sur son changement subit d’état.

Son image devenait floue dans le miroir. La jeune femme porta sa main à ses yeux. Les larmes coulaient en silence. Ses poings se serrèrent, ses genoux se mirent à s’entrechoquer. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il se passait. Ses émotions néfastes étaient devenues si violentes, si soudainement, qu’elles se matérialisaient en une multitude de serpents glacials dans son ventre. Les reptiles s’agitaient. S’enroulaient sur eux-mêmes, lui mordaient l’estomac, remontaient jusqu’à sa gorge où ils formaient une boule. Elle tentait de les calmer en posant ses mains délicates sur la dentelle de son corsage. Ses yeux balayaient du regard la pièce, comme ils l’avaient fait quelques minutes plus tôt. Elle fut prise de bouffées de chaleur. La panique la gagnait. Peut-être même la folie, pensa-t-elle. Elle cherchait une échappatoire. Mais pour échapper à quoi ? S’interrogea-t-elle. Il n’y avait rien à fuir. Excepté peut-être, le doute. Comment fuit-on un sentiment ? Le doute s’accrochait à sa chair, à son cerveau, à ses pensées. Il attrapait ses poumons et les écrasait dans sa cage thoracique comme deux vulgaires morceaux de papier qu’un écrivain insatisfait chiffonnait et balançait dans la corbeille à papiers. La pièce semblait se refermer sur elle. Le doute, la panique. La beauté métamorphosée en laideur. La joie en une tristesse infinie. Elle jeta plusieurs regards furtifs à la porte. Imaginant sa main tourner le bouton de la poignée. Elle pouvait en ouvrant délicatement, en se glissant dans le couloir et en fuyant cet hôtel de malheur, fuir également le doute, le chasser en aspirant de l’air pur, laissant la brise printanière l’emporter loin d’elle dans une expiration libératrice. Le terrible sentiment, lui, restera dans la pièce, se persuada-t-elle.

Julia s’approcha à petits pas mal assurés de la sortie. Sa main se leva lentement et s’arrêta devant la poignée. Une image lui était venue à l’esprit, en un éclair. Un visage. Les serpents s’endormirent instantanément dans une douce chaleur. Il était beau ce visage. Son sourire resplendissait sous la lune, le soir de leur rencontre. Le visage de l’homme avec qui elle partageait sa vie. Sans conteste il était beau. Il était drôle et courageux. Elle caressait mentalement du bout des doigts la ligne de cette mâchoire tant aimée. Julia retourna s’asseoir devant la coiffeuse. Elle ferma les yeux tout en faisant tourner autour de son doigt l’anneau qu’il lui avait passé le jour de sa demande. Son regard était plein de malice et brillant d’intelligence, pensa-t-elle. Des cheveux châtains, des lèvres charnues, des mains fortes et habiles. Une voix aussi douce qu’une caresse, aussi réconfortante qu’une tasse de chocolat devant une cheminée en hiver. Il la faisait rire. Souvent. Il l’énervait, parfois. Il la faisait pleurer aussi, par ses absences. Julia sourit en se remémorant les souvenirs qu’ils avaient en commun. Les balades à vélo, les danses sous les étoiles, les pique-niques à la campagne, les baignades à la mer. Les films au cinéma où leurs mains s’entrelaçaient dans l’obscurité, les restaurants où le souffle de leurs rires éteignaient les bougies, les matins tendres dans la chaleur de leur couverture. Elle l’aimait, en cet instant précis, elle l’aimait. Il était vrai qu’il faisait des efforts pour la rendre heureuse, à moins que ce ne fût naturel pour lui. Ils habitaient une petite maison avec un charmant jardin, dans une ville de campagne. Arthur y avait planté des bégonias, des rosiers et même du lilas, uniquement pour elle. Celle qu’il appelait la femme de sa vie. Sa vie n’en était qu’au commencement, trente années seulement, lui cachait-il une maladie incurable pour avoir l’audace de l’appeler ainsi ? S’interrogea la jeune femme en tordant ses doigts d’une angoisse nouvelle. Il était aussi vrai qu’Arthur avait accepté d’avoir un chien, lui qui les tenait en horreur, pour son bonheur personnel. Il avait capitulé quand elle avait souhaité une destination qu’il ne voulait pas pour les vacances. Il avait également fermé les yeux sur la couleur des murs de la chambre conjugale qu’il n’aimait pourtant pas. Incontestablement, il prenait sur lui. Était-ce ça l’amour, prendre sur soi, accepter des animaux, des couleurs, des vacances que l’on ne souhaite pas ? Elle aussi avait fait des concessions, pris sur elle, oublié des choses qu’elle aimait. Alors, se demanda-t-elle à nouveau, était-ce ça l’amour ? Julia ne savait plus que faire. Se marier avec Arthur était ce qu’elle devait faire aujourd’hui, ce qu’elle avait prévu de faire. Elle pensa à lui. Se demandant s’il avait des doutes, dans sa propre chambre, affublé de son costume, son père à ses côtés, ses frères. Peut-être avait-il peur de se marier. Peut-être se disait-il que Julia ne devrait pas devenir sa femme.

Elle observa à nouveau son reflet. Une belle femme, blonde, aux yeux d’un bleu éclatant, la taille fine, la peau fraîche comme un pétale de rose. Elle passa ses mains sur sa robe de tulle et de dentelle. Elle avait passé des heures à la choisir en compagnie de sa mère et de sa sœur aînée, cependant, aujourd’hui, cette robe magnifique lui semblait cousue dans un tissu de mensonges. Brillant d’une façon plus mensongère encore, sa bague de fiançailles. La plus grande des calomnies : ce bout de métal orné d’une pierre promettant une union sous le signe de l’amour. Est-ce qu’ils s’aimaient ? Ils se disaient « Je t’aime », néanmoins, des mots de ne sont que des mots. Ils n’ont de valeur que si on leur en donne. Julia se demanda un morceau de vérité se cachait sous ces mots.

La jeune femme ne savait désormais plus que penser. Elle resta assise là, devant elle-même. Les questions tournaient dans sa tête, cherchant des réponses, les serpents s’agitaient à nouveau dans son ventre. La plus grande des interrogations restait depuis toujours la même pour les femmes sur le point de se rendre à l’église afin de s’unir à un autre être : Fais-je le bon choix ?

Tentant de faire la part des choses. D’endormir le doute, les serpents et l’écrivain insatisfait, elle ramena à sa mémoire les moments où elle l’avait aimé ce bel Arthur, dans son ciel bleu de pensées les nuages du doute se répandaient, menaçants, apportant avec eux les moments où elle l’avait détesté ce vil Arthur. Les disputes, les assiettes cassées, les chaises renversées. Les excuses, les larmes. Les fleurs, les nuits blanches, les cinémas, les danses, les vélos, les restaurants, la bague. Plus elle tentait de réfléchir plus les ficelles de ses souvenirs s’emmêlaient dans sa tête.

Qu’est-ce que l’amour ? Julia sursauta en entendant sa voix prononcer ces mots. Ces horribles mots qui nourrissaient les serpents logés dans son estomac, qui les réveillaient, les agitaient. La jeune femme se mit à rire. Un rire nerveux, aigu, qui sonnait à ses oreilles comme un verre de cristal qui éclatait sur le sol. Elle se leva à nouveau, faisant tomber un vase qui contenait du lilas. Elle ramassa le bouquet, piquant son doigt sur un morceau de verre. Julia jura entre ses dents et porta son doigt ensanglanté à sa bouche. Un goût de fer rampa sur sa langue. La jeune femme grimaça de dégoût.

La cloche de l’église sonna onze fois. Julia devait faire son apparition dans trente minutes à la cérémonie. Elle marcherait au bras de son père, irradiant de bonheur, laissant sa fille à un autre homme. Un homme bien, il en était persuadé. Julia aussi. Un homme bien… Elle se placerait face à lui, ses yeux détaillant son beau visage. Elle écouterait le prêtre, prononcerait une assertion devant des centaines de personnes, devant sa famille, devant des témoins. Le doute n’aurait pas sa place devant ce public difficile. Dans cette chambre, la syllabe fatidique pouvait rester accrochée à ses lèvres. Personne ne la jugerait. Mais pas en bas, dans cette église qui sent le renfermé, les bancs cirés, les cierges à la paraffine, les yeux braqués sur elle. Si son hésitation était remarquée alors un bourdonnement de mécontentement se ferait entendre. Jetant sur Julia et Arthur une honte sans fin.

La jeune femme inspecta son doigt, le sang avait cessé de couler. Elle jeta un regard à travers la vitre. Le temps lui, avait continué sa course plus vite qu’elle ne l’avait souhaité. Plus qu’une dizaine de minutes. Elle devait descendre. Elle devait épouser Arthur. Elle devait. Mais elle ne savait plus si elle en avait envie. Son fou rire reprit. Secouant les serpents, les réchauffant sans pour autant les endormir. Le doute. Le doute l’enroulait dans des bandages, pareille à une momie. Incapable de bouger. Incapable de descendre se marier, tant elle était peu sûre de sa décision. Julia s’assit sur le lit. Les larmes avaient remplacé le rire. Les perles d’eau salées dégringolaient de ses joues et tombaient sur sa robe en dentelle. Tant d’émotions lui étaient supportables, mais pas le doute, vicieux et profondément ancré en elle. Elle retourna près du vase cassé. Ramassa les morceaux. Les jeta dans la poubelle de la salle de bain privative. Ses pleurs ne cessaient plus. Julia retourna à la fenêtre, la foule compacte marchait vers l’église. Plus que cinq minutes. Les gens s’installaient probablement à présent, elle les imaginait, coquilles vides avides de la joie des autres pour oublier un moment leur ennui. Ils n’étaient pas là pour célébrer l’amour des mariés, ils étaient là pour eux. Hypocrites, pensa-t-elle. Ils étaient venus pour se montrer dans leurs plus beaux habits et laisser de côté quelques temps leur routine. Julia ferma les yeux un instant. Quand elle les ouvrit à nouveau, plus d’enfants, plus d’adultes, même plus de moineau sur la branche, le papillon aussi avait fuit les lieux.

La jeune femme s’approcha de la porte puis recula vivement. Le doute. Les serpents. Les questions. Les gens. Les mensonges. La vérité. L’amour. Porte de l’enfer qu’elle doutait de pouvoir franchir sans perdre son auréole. Les cloches sonnèrent. Un coup seulement. Julia se raidit. Contre la porte, trois coups résonnèrent. Un homme dans un costume trois pièces attendait. Le sourire aux lèvres. Son enfant, sa fille, son amour. Il venait la chercher, l’accompagner vers le nouvel homme de sa vie. Il toqua à nouveau. S’impatienta.
– Julia ?
Sa main frappa à nouveau la porte.
– Julie, ma chérie ?
Il piétinait maintenant. Ses filles avaient pour habitude d’être en retard. Mais tout de même, pas le jour de son mariage ! S’écria-t-il intérieurement. Voyant les aiguilles de sa montre afficher onze heures trente-six, il prit la décision d’ouvrir la porte.
– Julia ?
Ses yeux tombèrent sur sa fille, allongée sur le lit. Julia semblait dormir, comme lorsqu’elle était encore une enfant. Ses longs cheveux blonds attachés en un chignon sophistiqué, des mèches tombant sur ses épaules. Une mariée endormie à l’heure de la cérémonie. Il s’approcha de sa fille. Le doute s’insinua en lui, aussi sournoisement qu’il l’avait fait quelques heures plus tôt dans le cœur de son enfant. Ses yeux scrutèrent le visage de Julia. Son regard descendit jusqu’à ses poignets. Ce n’était pas une rose rouge qu’elle tenait comme il le pensait en entrant, c’était la solution ultime à ses doutes. L’homme se jeta sur le corps de Julia, tentant désespérément de la ranimer. Il la secouait, ses boucles blondes remuaient comme les serpents qui avaient élus domicile dans son ventre. Il utilisa les draps pour éponger la substance vitale qui s’échappait des poignets de sa fille. Il hurla regardant ses deux bracelets morbides qu’il ne pourrait jamais lui retirer. Il retira de ses mains un morceau de verre du vase que Julia avait cassé et dont elle s’était servie pour s’épargner un choix qu’elle devait faire. Son ange endormi n’était qu’un mirage. Sa fille Julia, n’était pas éclatante de beauté comme son esprit avait voulu lui faire croire. Elle était étendue là, la bouche tordue de douleur, de la bile avait coulé sur l’oreiller, la rose rouge muée en une flaque de sang visqueuse et encore chaude. Il hurla de douleur et de peur.

Comme prévu les deux jeunes gens étaient réunis dans cette église. La femme dans une belle robe, l’homme dans un costume trois pièces. Le prêtre prêt à célébrer. Les personnes présentes pleurant et brisant leur routine. Mais Julia était allongée. Les yeux clos. Loin du doute, loin des choix. Arthur caressa une dernière fois la joue de sa fiancée qui ne pourrait jamais devenir sa femme. Une larme s’échappa de ses yeux et s’écrasa sur les lèvres de la défunte. Leur dernier baiser.

Nouvelle envoyée pour le concours du salon du livre de Riantec.
Thème : Le doute.
©SignéC

La musique des ténèbres – Eric Bony

Résumé : Un scientifique se jette par la fenêtre de son appartement parisien. Sur son torse, on découvre des lettres gravées à l’encre sanglante, un message destiné à Thomas Cazan, le journaliste spécialisé dans les affaires étranges. Au même moment, un autre chercheur est retrouvé mort devant l’immeuble où habite sa fille Agnès. Ce vieil excentrique, mis au ban de la communauté scientifique, s’était toute sa vie passionné pour une ancienne partition de musique qui aurait le pouvoir de tuer…

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Note personnelle : ★ ★ ★ ★ ★

Avis : Un thriller original, mêlant science et ésotérisme, avec une touche d’humour et de suspense. De quoi donner envie de le lire ! La couverture de l’édition City est une réussite, elle rend bien dans ma bibliothèque.

Il est assez évident que l’auteur souhaite dénoncer les dérives pharmaceutiques dans ce roman. Peut-être a-t-il effleuré ce domaine lorsqu’il était journaliste (c’est également le métier d’un des deux personnages principaux, Thomas Cazan). Parlons encore un peu de cet auteur francophone… En effet, en me baladant sur Google (oui je sais « sur » est employé à tort et à travers), je suis tombée (pas littéralement là non plus) sur son profil Linkedin et j’ai découvert que nous avions en commun le métier de Community Manager. En somme après avoir épluché son profil, parce que je suis une petite fouineuse (on peut dire stalkeuse mais soyons cléments, je fais des recherches pour mon article en dosant ma curiosité, promis), j’ai vu qu’il avait une vie bien remplie ! Il se sert visiblement de ses expériences et ça fonctionne.

Ce n’est absolument pas évident de savoir doser l’ésotérisme dans un roman pour ne pas faire carrément kitsch, Monsieur Bony sait mixer les ingrédients à la perfection pour que ce livre ne soit pas indigeste. Sa plume peut presque concurrencer celle de Serge Brussolo (un compliment venant de votre blogueuse préférée, rappelez-vous, j’en suis complètement fan). On se laisse balader à la frontière du surnaturel, avant d’être ramené en toute intelligence à la science ! Quelle jolie balade en compagnie des personnages principaux !

PUMPKIN AUTUMN CHALLENGEAnecdote : Roman lu pour le #PumpkinAutumnChallenge 2018 dans la catégorie « Automne Ensorcelant », sous-catégorie « Cristaux, tarot et encens (étrangeté, mystère, freak, petit frisson, ésotérisme) ».

Bonne lecture ! Signé C.